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James Ellroy

“Mon travail consiste à flouter les lignes”

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Et vous, quel fan de James Ellroy êtes-vous ? Nostalgique des polars classiques de ses débuts, comme la trilogie Lloyd Hopkins, où affleuraient déjà les obsessions qui allaient guider son inspiration ? Admirateur de ses sagas historico-policières, telles que les deux quatuors de Los Angeles où flics, politiques et mafieux pataugent dans la même fange ? Ou bien amoureux de ses écrits plus intimes, « Ma part d’ombre » et « La Malédiction Hilliker », où il explore ses traumatismes de jeunesse et ses relations avec les femmes ?

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Plus ou moins accessibles et sombres, selon son état psychologique et sentimental du moment, ses fictions et ses essais autobiographiques composent une œuvre littéraire unique par son souffle, sa complexité et son originalité. L’expression d’un talent à part, marqué par des drames personnels et une volonté permanente de se sublimer, un talent qu’il met aussi au service de travaux de commande, style scénarios de film ou de série. Alors où situer, dans la vingtaine de titres qu’il a publiés – sans compter les nouvelles – ce bonus printanier qu’est « Panique générale » (traduit par Sophie Aslanides), sorti sans tournée promotionnelle ni lancement tapageur ?

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Le roman « Panique générale » vient après les deux premiers tomes de votre nouveau quatuor de Los Angeles mais avec des ambitions très différentes. Dans quel état d’esprit l’avez-vous conçu ?

James Ellroy. C’est une comédie, un roman noir délibérément humoristique où je dépeins le personnage de Freddy Otash comme un tueur « bouffonesque » (en français NDLR), un toxicomane qui va au-devant des ennuis dans sa quête d’amour et de sexe… « Panique générale » est un roman intermédiaire entre les deux livres très amples qui l’ont précédé et celui qui va suivre : je suis en train d’écrire un deuxième roman sur Freddy Otash et celui-là est plus sérieux. Pour le lancement, l’année prochaine, je ferai une tournée qui passera par la France.

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Cela vous a amusé de l’écrire ?

James Ellroy : J’ai surtout pris plaisir à ridiculiser des figures de la culture populaire que je n’apprécie pas, des gens comme Nicholas Ray, James Dean ou ce violeur qui a été exécuté le 2 mai 1960, Caryl Chessman. Nick Ray ou James Dean représentent à mes yeux le mauvais jeu d’acteur, la vénalité, les prémices d’une culture cinématographique et littéraire grotesque. « La fureur de vivre » est une imposture. Et j’affirme que Nicholas Ray entretenait des relations de nature perverse avec de jeunes acteurs mineurs.

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Quelle est la part de vérité dans les turpitudes de ces personnages réels ?

James Ellroy : Je ne réponds plus à cette question, tout mon travail consiste à flouter les lignes.

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Vous vous basez tout de même sur des recherches ?

James Ellroy : Je n’aime pas les recherches, je ne m’en embarrasse pas, je pars juste sur quelques pépites factuelles que je déforme délibérément, que j’altère afin de créer des similitudes entre les personnalités réelles et les personnages fictifs.

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Ce roman nous montre le maître-chanteur et meurtrier Freddy Otash luttant pour sortir du purgatoire. Pourquoi tous vos romans tournent-ils autour de l’idée d’expiation, de rédemption ?

James Ellroy : Je suis chrétien et c’est le fil conducteur de mes livres, tous plus ou moins consciemment bâtis sur ce thème. C’est le cas de « White Jazz » et du premier quatuor de Los Angeles. Mes romans sont une vaste expression des notions de péché, de culpabilité et de rédemption. Et vous avez vu qu’à la fin, on laisse Freddy Otash sortir du purgatoire

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Ecrire sur ce thème est-il un moyen pour un écrivain de vivre sa foi ?

James Ellroy : Je suis convaincu que le péché et l’expiation constituent le plus grand sujet d’inspiration qui soit en littérature. Je peux détecter la présence de Dieu dans l’œuvre de certains auteurs. Le premier exemple qui me vient à l’esprit est celui des romans de John Updike…

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Vous pourriez écrire une fiction plus ouvertement basée sur la religion ?

James Ellroy : « Panique générale », c’est ce que j’écris tout le temps, des histoires de sales types amoureux de femmes fortes, situées à Los Angeles dans les années d’après-guerre.  Je fais ça et pas autre chose. Mes livres débordent d’amour pour l’Amérique et de patriotisme.

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Freddy Otash est-il le plus sale de vos personnages masculins de fiction ?

James Ellroy : Il est moins pervers que Pete Bondurant et Dudley Smith. Il est incompétent et motivé par la luxure mais il a un côté comique.

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Votre éditeur français Rivages précise dans son programme que l’idée de ce livre sur Freddy Otash vous a été suggéré par votre éditeur américain…

James Ellroy : Quand cette histoire m’est venue, je l’ai proposée à mon éditeur américain, parce que mes livres sortent d’abord aux Etats-Unis, et il a dit d’accord. Mais c’était mon idée !

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Avez-vous connu personnellement Lois Nettleton, à qui « Panique générale » est dédié ?

James Ellroy : Je l’ai beaucoup admirée en tant qu’actrice et j’avais écrit un article sur elle pour un magazine dans les années 1980. Elle m’a envoyé un petit mot et des fleurs pour me remercier. Je ne l’ai jamais rencontrée mais je lui ai envoyé des fleurs à chacun de ses anniversaires (le 16 août NDLR) et à chaque Noël.

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Que vos livres se passent en temps de guerre comme « Perfidia » ou en temps de paix comme « Panique générale », vous semblez montrer une Amérique en panne de repères moraux…

James Ellroy : Mes livres débordent d’amour pour l’Amérique et de patriotisme, ils célèbrent une Amérique ou se croisent des gens mauvais et d’autres meilleurs qui prennent toujours le dessus à la fin…

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Pourquoi la plupart mettent-ils en scène les années 1950 ?

James Ellroy : J’explore la vie à l’époque où j’étais enfant, où je feuilletais les magazines illustrés de mes parents tels que « Life » et où ils écoutaient de la musique des années 1940. Je regarde toujours en arrière…

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